Un an de jurisprudences sur le CIR et le CII
L’année 2024 a été marqué par de nombreuses décisions juridiques sur les dispositifs fiscaux d'innovation, tels que le Crédit d’Impôt Recherche (CIR), le Crédit d’Impôt Innovation (CII), le statut de Jeune Entreprise Innovante (JEI), et l’IP BOX. Avec des jurisprudences récentes qui éclairent et transforment leur application, il est essentiel pour les entreprises de maîtriser ces évolutions afin d’adapter leurs démarches et de sécuriser leurs pratiques. Dans cette newsletter, nous vous proposons une analyse détaillée des principaux enseignements juridiques, accompagnée de conseils pratiques pour anticiper et répondre aux exigences accrues de l’administration fiscale.

Voici les points que nous traiterons dans cette nouvelle édition de Newsletter :
- Éligibilité des projets de recherche dans le cadre du CIR
- Éligibilité des projets d’innovation dans le cadre du CII
- Dépenses éligibles : Dotation aux amortissements dans le cadre du CIR
- Dépenses de personnel : Justification du temps de R&D et d'Innovation
- Dépenses de personnel : Qualification et éligibilité des profils
- Dépenses de personnel : Jeunes Docteurs
- Activation : Frais de recherche
- JEI : Impacts sur le dispositif
- Procédure : Florilège de décisions
- Enseignement de cette veille fiscale sur le CIR et le CII
1. Éligibilité des projets de recherche dans le cadre du CIR
Les récentes jurisprudences mettent en lumière les critères fondamentaux pour garantir l’éligibilité des projets au Crédit d’Impôt Recherche (CIR). Ces décisions soulignent la nécessité de justifications rigoureuses et d’une méthodologie claire pour répondre aux attentes croissantes des administrations fiscales et judiciaires.
1.1 Décisions marquantes
Les jurisprudences suivantes apportent des enseignements clés pour les entreprises :
CAA de Versailles, 28/05/2024, n°22VE01478 (Style et Design Group)
Les juges ont rejeté la demande en raison de l’absence d’une démonstration probante. Bien que des normes et des articles de presse aient été mentionnés, la société n’a pas apporté la preuve d’un véritable verrou scientifique ni d’un apport technologique significatif.
TA de Rouen, 26/07/2024, n°2205223 (SMPR Métrologie Industrielle)
Dans ce cas, les juges ont estimé que les documents fournis ne permettaient pas de démontrer des avancées nouvelles ni la création de nouvelles connaissances scientifiques. L’analyse de l’état de l’art s’est limitée à des généralités, sans mise en évidence de l’incertitude technologique à résoudre.
CAA de Lyon, 06/06/2024, n°21LY02422 (ABMI Ingénierie)
Cette décision illustre l’importance de prouver les efforts de recherche et développement, même en présence de brevets existants. Les juges ont toutefois validé des projets dans lesquels la société a démontré son rôle actif dans la réalisation de R&D, malgré l’utilisation de brevets déposés par d’autres entreprises.
1.2 Constats clés issus des décisions
1. Importance de l’état de l’art
- L’état de l’art doit être exhaustif mais également critique. Mentionner des articles ou normes sans les analyser profondément ne suffit pas.
- Il est impératif de démontrer un verrou technologique, c’est-à-dire une barrière scientifique ou technique qui justifie les travaux de recherche.
- Les juges insistent sur le fait que la documentation fournie doit convaincre de la nécessité des travaux, et cela passe par une analyse méthodique et rigoureuse.
2. Indicateurs de recherche et de développement (R&D)
- Les entreprises doivent démontrer la présence des cinq critères clés : nouveauté, créativité, incertitude, systématisation, et transférabilité.
- Ces éléments doivent être mis en exergue pour prouver que le projet dépasse une simple amélioration ou modification d’un état de l’art préexistant.
3. Approche scientifique et méthodologique
- Les projets doivent inclure des résultats tangibles comme des prototypes, des tests, ou des modèles probatoires. Ces éléments doivent être documentés et traçables.
- Les travaux jugés incomplets ou non aboutis sont régulièrement rejetés. Il est crucial d’assurer une continuité et une clarté dans la présentation des phases du projet.
4. Définition des travaux éligibles
Les décisions ont souligné que même si des brevets sont impliqués, cela ne garantit pas automatiquement l’éligibilité. Il faut démontrer la valeur ajoutée des travaux réalisés par l’entreprise et leur lien direct avec la R&D.
1.3 Enseignements et pratiques recommandées
Les entreprises souhaitant sécuriser leur CIR doivent adopter une approche méthodique et rigoureuse, en respectant les points suivants :
- Rigueur dans l’analyse de l’état de l’art : L’état de l’art doit démontrer clairement ce qui est connu et ce qui reste à résoudre. Cette analyse doit inclure une critique des solutions actuelles et l’identification des limites à dépasser.
- Mise en avant du verrou technologique : Les verrous techniques doivent être explicitement décrits et liés à une démarche scientifique rigoureuse.
- Documentation des indicateurs : Nouveauté, créativité, incertitude, systématisation, et transférabilité doivent être intégrés de manière visible et argumentée dans le dossier.
- Traçabilité des travaux : Une documentation claire et traçable des phases du projet, accompagnée de données concrètes (rapports, prototypes, etc.), est essentielle.
2. Éligibilité des projets d’innovation dans le cadre du CII
Les décisions récentes relatives à l’éligibilité des projets d’innovation dans le cadre du Crédit d’Impôt Innovation (CII) mettent en lumière des exigences renforcées, notamment en ce qui concerne l’innovation de biens et la justification de leur caractère innovant. Ces jurisprudences révèlent également des erreurs fréquentes, que les entreprises doivent éviter pour sécuriser leurs demandes.
2.1 Décisions marquantes
Les jurisprudences suivantes apportent des enseignements clés pour les entreprises :
- CAA de Marseille, 31/05/2024, n°22MA02444 (Société Inithy)
La demande a été rejetée car les juges ont estimé que la société n'avait pas démontré la nouveauté des fonctionnalités. Elle avait présenté un tableau comparatif contenant des interrogations sur quatre fonctionnalités clés. Les juges ont considéré que ce manque d’information induisait qu’elles ne présentaient pas un caractère de nouveauté.
- TA de Grenoble, 26/10/2023, n°2108701 (Société RFIDEEES)
L’Administration considérait que la Société avait antérieurement commercialisé son produit. Toutefois, celle-ci a démontré que les 1500 unités avaient servi de tests et non d’une commercialisation effective. Cette distinction a permis de valider partiellement le projet. Les juges ne refusent d’ailleurs pas le CII au motif que la commercialisation a finalement été abandonnée.
- TA de Caen, 28/06/2024, n°2201529 (Société Formapart)
La société a réorienté ses travaux pour proposer une plateforme qui reprenait des fonctionnalités existantes sur le marché afin de proposer une plateforme qui offre un service de « facilitation à distance ». Selon les juges, l’innovation porte désormais sur un service et non un bien ce qui l’exclut du CII.
2.2 Constats issus des décisions
1. Documentation insuffisante
- Dans plusieurs cas, l’absence de preuves tangibles (prototypes, tests documentés) a été préjudiciable pour les demandes. Une simple description des fonctionnalités n’est pas suffisante ; il faut démontrer clairement l’innovation technique ou technologique apportée.
- Les projets abandonnés ou non finalisés sont particulièrement à risque, notamment lorsqu’ils ne permettent pas de retracer un processus structuré et systématique. En matière de Crédit d’Impôt Innovation (CII), il est essentiel que le produit issu des travaux d’innovation soit mis sur le marché pour être éligible, l’absence de commercialisation pouvant remettre en cause le bénéfice du dispositif.
2. Problèmes de définition du produit
- Les juges ont mis en avant la distinction entre innovation de service et innovation de bien. Seules les innovations portant sur un bien (corporel ou incorporel) sont éligibles.
- L’état du marché doit être rigoureusement analysé. Les entreprises doivent prouver que leur innovation dépasse les standards actuels du marché.
3. Interprétation de la commercialisation
- Des projets ayant déjà fait l’objet de ventes ou de déploiement peuvent être rejetés si l’administration estime que l’innovation est déjà intégrée dans des produits disponibles.
2.3 Enseignements et pratiques recommandées
Pour éviter des rejets et maximiser les chances de validation, les entreprises doivent adopter des pratiques rigoureuses :
- Apportez des preuves solides : La documentation doit inclure des photos de prototypes, des rapports détaillés de tests, et des démonstrations techniques concrètes. Ne gardez rien sous le coude : tous les éléments doivent être fournis à l’administration dès le départ.
- Utilisez des outils clairs : Le tableau des fonctionnalités est une excellente pratique pour démontrer la nouveauté d’un produit par rapport à ses concurrents. Ce tableau doit être précis et factuel et complet.
- Justifiez rigoureusement vos démarches : La justification ne consiste pas en un simple exposé factuel ; elle doit démontrer en quoi le produit apporte une avancée significative, que ce soit en matière de performance techniques, fonctionnelles, d’écoconception, ou d’ergonomie.
- Anticipez les objections : Les principales causes de rejet identifiées sont :
- Confusion entre innovation de bien et innovation de service.
- Produit déjà commercialisé.
- Absence d’analyse de l’état du marché ou de justification de la nouveauté.
2.4 Points de vigilance spécifiques
Dans leurs décisions, les juges ont rappelé que pour qu’un produit soit considéré comme innovant, il doit répondre à deux conditions cumulatives :
- Il n’est pas encore disponible sur le marché.
- Il se distingue par des performances supérieures, en termes de technique, d’écoconception, ou d’ergonomie.
3. Dépenses éligibles : Dotation aux amortissements dans le cadre du CIR
Les récentes décisions de jurisprudence apportent des précisions essentielles sur les critères d’éligibilité des dépenses liées aux immobilisations dans le cadre du Crédit d’Impôt Recherche (CIR).
3.1 Décisions marquantes
- TA Nice, 02/05/2024, n°210417 (Société Ladaptime)
La société a acquis des silos, des mélangeurs, des vis sans fin, des moteurs, des portiques, des poutrelles mécaniques. Ces matériaux ont été immobilisés puisqu’ils ont permis de réaliser des prototypes des robots.
Il ne fait aucun doute que ces actifs sont indispensables et affectés aux opérations de R&D. En conséquence, les dotations aux amortissement correspondantes peuvent être valorisée au CIR.
- TA Montpellier, 01/07/2024, n°2204313 (Société Nausitoé)
La société a immobilisé des « souche plateforme prototype », les « plasmides de réintroductions génétiques » et les « plasmides et constructions génétiques » ainsi que les droits d’utilisation correspondant.
La remise en cause de la valorisation ne porte pas sur l’affectation à la R&D mais sur la qualification fiscale de l’immobilisation. En effet, parmi les critères d’activation, le bien doit avoir une valeur économique positive.
La société n’a pas, selon les juges, démontré ces points et n’aurait pas été en mesure d’apporter une valeur fiable à ces biens.
- CAA Toulouse, 29/07/2024, n°22TL21947 (Société Néomérys)
La décision porte sur l’immobilisation des frais de recherches. Si l’article 236-I du CGI offre cette option fiscale, elle répond toutefois à des conditions strictes.
La société doit en effet prouver que le projet de R&D a de sérieuse chance de réussite économique, et notamment assurer une rentabilité suffisante.
Pourtant l’Administration lors d’un contrôle fiscal, n’avait pas remis en cause cette écriture comptable sans pour autant reconnaître expressément leur validité.
- CAA Bordeaux, 09/07/2024, n°23BX00290 (Société RAGT)
La société a acquis du matériel génétique puis l’a immobilisé. L’Administration considère que ce dernier n’est pas terminé puisqu’il est l’objet même des travaux de recherche, dès lors, il n’est pas amortissable. Elle considère également qu’il n’a pas été acquis à l’état neuf. Cependant les juges ont considéré que le matériel génétique végétal doit être regardé comme acquis à l’état neuf.
3.2 Constats et enjeux
1. Critères stricts pour l’immobilisation
- Les matériaux ou équipements doivent être affectés exclusivement à des activités de recherche ou de conception de prototypes pour être considérés comme éligibles.
- Les acquisitions liées à des actifs biologiques ou génétiques posent des problèmes spécifiques en termes de qualification, car elles ne sont pas toujours considérées comme immobilisables par l’Administration.
2. Documentation du prorata d’utilisation
- Les entreprises doivent démontrer clairement la part de l’utilisation des actifs dédiée aux activités éligibles. Un manque de précision peut entraîner un rejet partiel ou total des dépenses.
3. Remise en cause fréquente des critères d’éligibilité
- Les juges adoptent une lecture stricte de l’utilisation des immobilisations. Toute ambiguïté ou insuffisance documentaire entraîne un rejet systématique.
3.3 Enseignements et pratiques recommandées
Pour sécuriser les dotations aux amortissements dans le cadre du CIR, voici les points à respecter :
- Respect des critères d’immobilisation
- Les immobilisations doivent être utilisées spécifiquement pour des activités de recherche scientifique ou technique, incluant la conception de prototypes ou d’installations pilotes.
- Assurez-vous que le matériel et les équipements sont bien affectés à la R&D et non à des usages commerciaux ou opérationnels.
- Qualité des justificatifs
- Fournissez une documentation détaillée sur l’utilisation des immobilisations, incluant des rapports de suivi et des preuves tangibles d’affectation.
- Précisez les méthodes de calcul du prorata d’utilisation avec des données fiables et traçables.
- Particularités des actifs biologiques et génétiques
- Ces actifs nécessitent une justification particulière, car ils ne sont pas systématiquement éligibles. Identifiez clairement leur rôle dans les activités de recherche.
3.4 Ce qu'il faut retenir
Seules les immobilisations directement liées à des activités de R&D peuvent faire l’objet de dotations aux amortissements éligibles au CIR. Les critères d’affectation et de prorata doivent être rigoureusement appliqués et documentés. Une attention particulière doit être portée aux équipements spécifiques, comme le matériel biologique ou génétique, pour garantir leur conformité avec les attentes de l’Administration.
4. Dépenses de personnel : Justification du temps de R&D et d'Innovation
La gestion des dépenses de personnel dans le cadre du Crédit d’Impôt Recherche (CIR) et d’Innovation (CII) repose sur une justification de l’affectation des heures travaillées. Les jurisprudences récentes illustrent l’importance d’une méthodologie précise et d’un suivi-temps fiable pour garantir l’éligibilité de ces dépenses.
4.1 Décisions marquantes
- TA Nice, 02/05/2024, n°210417 (Société Ladaptime)
L’Administration a appliqué une base forfaitaire de 80 % du temps déclaré pour les activités de R&D pour le président et un chef ingénieur. La société a expliqué que le président avait délégué ses attributions de gestion administrative à un cabinet d’expertise comptable. Toutefois, les juges rejettent la valorisation à 100 % du temps de travail de ces salariés au motif que la société n’apporte pas la preuve de cette affectation totale.
- TA Paris, 20/02/2024, n°2127807 (Société L2D)
L’administration fiscale considérait le temps affecté à la R&D dépassait le CA facturé aux sociétés étrangères pour lesquelles des travaux étaient menés. Les jeunes docteurs auraient également été surévalués puisque la part allouée aux opérations de R&D de ces profils était sensiblement supérieure à celles des autres salariés de l’entreprises occupant des fonctions similaires.
La société justifie ses déclarations par des extractions d’un logiciel dont elle soutient s’être dotée pour calculer le coût de chaque projet. Elle a également bien distingué le temps alloué à chaque projet par chaque personnel valorisé des activités ne pouvant être rattachées à un projet particulier, telles que les formations, les temps de cohésion au sein de la société et les réunions internes. La société produit en outre la méthodologie de complétion du temps de travail en précisant que chacun remplit deux fois par jour le détail des heures travaillées par projet.
Les juges ont considéré que ce tableau fait apparaître la répartition des heures travaillées par chaque employé pour les différents projets, chacun d’entre eux prenant part, eu égard à la spécialisation de la société, à des activités de recherche et développement réalisées pour les clients, et permet de les différencier des heures allouées à des activités ne relevant pas de la recherche et développement.
L’Administration a remis en cause le suivi-temps, jugeant que les tableaux fournis par la société n’identifiaient pas suffisamment précisément la répartition des heures par employé et par projet. Malgré cela, la société a su démontrer sa méthodologie de suivi et a partiellement validé ses déclarations.
4.2 Constats issus des décisions
- Méthodologie insuffisante dans certains cas
- L’absence d’un suivi rigoureux et transparent des heures travaillées a conduit à des rejets partiels des dépenses de personnel. Les juges attendent des preuves détaillées pour chaque employé, projet par projet, afin de justifier « la consistance » des travaux réalisés.
- Les méthodes forfaitaires utilisées par l’Administration pour estimer le temps travaillé, bien que critiquables, peuvent être difficiles à contester sans preuves solides.
- Importance de la justification scientifique et administrative
- L’administration compare les heures travaillées aux résultats financiers (chiffre d’affaires ou projets réalisés). Toute incohérence dans ces données peut entraîner un redressement.
- La justification des heures des jeunes docteurs, souvent plus élevées que celles des autres salariés, nécessite une documentation spécifique.
- Rôle de la méthodologie de suivi
- Les entreprises doivent expliquer en détail comment les heures travaillées sont suivies, réparties et validées. Une simple déclaration ne suffit pas ; des outils clairs et traçables sont requis.
4.3 Enseignements et pratiques recommandées
Pour sécuriser les dépenses de personnel dans le cadre du CIR/CII, voici les pratiques essentielles :
Adoptez un suivi-temps rigoureux et précis :
- Utilisez des tableaux détaillés pour chaque employé, précisant les projets, les phases et les heures allouées.
- Complétez ces données par une méthodologie claire, documentant comment les informations ont été collectées et validées.
Préparez-vous à des vérifications approfondies :
- L’administration peut consulter les systèmes d’information (SI) de l’entreprise en application de l’article L.47 A III du LPF. Assurez-vous que vos déclarations soient cohérentes avec les données internes.
Anticipez les objections :
- Justifiez les taux élevés d’affectation à la R&D, notamment pour les jeunes docteurs ou les profils techniques. Apportez des éléments montrant l’exclusivité des tâches réalisées dans ce cadre.
4.4 Ce qu'il faut retenir
Les décisions récentes soulignent l’importance d’un suivi-temps précis et documenté pour justifier l’affectation des heures travaillées à la R&D. Toute incohérence entre les données déclarées et les systèmes d’information internes peut entraîner des rejets. Une méthodologie claire, accompagnée de tableaux détaillés par employé et par projet, est indispensable pour sécuriser ces dépenses face à des contrôles de plus en plus exigeants.
5. Dépenses de personnel : Qualification et éligibilité des profils
Les jurisprudences récentes confirment l'importance de démontrer la qualification des personnels impliqués dans les projets de R&D pour justifier leur éligibilité au Crédit d'Impôt Recherche (CIR). Ces décisions mettent également en lumière les points de vigilance spécifiques liés à certains profils, notamment les cadres dirigeants et les personnels commerciaux.
5.1 Décisions marquantes
- CAA Lyon, 06/06/2024, n°21LY02422 (ABMI Ingénierie)
L’Administration a refusé la valorisation d’un responsable d’affaires au motif qu’il ne pouvait être considéré comme un chercheur. Il s’avère pourtant que ce collaborateur est titulaire d’un diplôme de brevet de technicien supérieur « fabrication mécanique productique », obtenu en 1987, et occupe, depuis 21 ans, au sein des effectifs de la société requérante, un emploi de cadre « coefficient 130 » au sens de la convention collective Syntec, qui concerne notamment les ingénieurs d’études ou de recherches.
Les juges ont finalement reconnu la qualification de chercheur à ce responsable d’affaires.
- CAA Paris, 12/07/2024, n°22PA03074 (SAS OTICO)
La question porte sur l’éligibilité d’ouvriers et d’agent de maîtrise au titre des techniciens de recherche. Très logiquement l’Administration a considéré qu’ils n’avaient pas travaillé en étroite collaboration avec des chercheurs sur des projets de recherche et que leur intervention n’était pas indispensable à la réalisation des travaux de recherche.
La société indique que ces collaborateurs ont réalisé des essais d’injection, des tâches de montage moule/maintenance, des essais de moulage courroies dans le cadre du « projet n° 3 ». Elle produit par ailleurs un tableau a posteriori mentionnant les tâches réalisées, les projets de recherche concernés et le nom du chercheur sous la direction duquel ces missions auraient été accomplies.
Les juges ont considéré que la supervision des chercheurs n’a pas été démontrée. Ils utilisent une terminologie éclairante sur cette notion puisqu’ils précisent que les travaux de recherche n’ont pas été menés sous la conduite de chercheurs.
- CAA Paris, 16/07/2024, n°23PA02396 (CASANOVA)
L’administration a rejeté la valorisation au titre des dépenses de personnel pour des fonctions de directrice industrielle. La société a précisé que la collaboratrice a réalisé des missions qui relèvent essentiellement du domaine de l’organisation, de la coordination et de la gestion de recherche et qui sont nécessaires aux opérations de R&D.
Les juges ont considéré que ces activités ne relèvent pas des activités de recherche quand bien même elle aurait participé à l’élaboration des cahiers des charges et fiches techniques des produits commercialisés par la société, à la prise de décisions opérationnelles et à la formulation de solutions techniques de ces activités, alors même qu’elles sont nécessaires au développement de projets.
Les juges ajoutent que l’accomplissement de telles missions dans le cadre de ses fonctions de direction ne permet pas de le faire regarder comme directement et exclusivement affecté à la réalisation d’opérations de recherche scientifique et technique.
S’agissant des fonctions commerciales, la société ne justifie pas de la compétence acquise par les collaborateurs.
- TA Grenoble, 31/01/2024, n°2105608 (Cab 5-4)
La société a valorisé un collaborateur titulaire d’un MBA Business Administration et Management obtenu en 1990 qui lui a permis d’avoir des compétences en stratégie, management, et d’occuper par la suite des emplois à hautes responsabilités, tout d’abord en qualité de consultant sénior en stratégie et marketing, puis de directeur de la stratégie et vice-président chez Lacoste Groupe, avant d’arriver comme chargé de la stratégie de l’entreprise Black Crows qui vend les produits conçus par la société Cab 5-4.
Elle fait valoir que ses expériences lui ont permis d’être directeur général de Blacks Crows et d’être un support technique indispensable pour son équipe de recherche et de développement. Elle ajoute que sa passion pour le ski et à son expérience de développement de produits a permis de multiplier par six le chiffre d’affaires de la société en quatre ans.
La société fournit les échanges de mail attestant de la participation concrète et effective au développement des projets « ski » et d’« outdoor ».
Les juges considèrent que ce parcours professionnel ne justifie en rien d’un savoir-faire dans le cadre des opérations de R&D. Ils indiquent également que sa participation aux réunions relevait davantage des sujets d’orientations stratégiques.
La société a également valorisé le vice-président ventes et marketing, titulaire d’un diplôme « administration et direction des affaires option marketing communication et relations internationales » ainsi qu’un passé de skieur de de compétition.
Les juges ont également rejeté au motif qu’il n’est pas établi que ce collaborateur ait participé aux opérations de recherche.
- CAA Toulouse, 14/12/2023, n°21TL03189 (Elyctis)
La société, bénéficiaire du statut JEI, a valorisé les dépenses de personnel relatives au responsable de production et de maintenance. La société argue en effet que ce collaborateur travaille sur les prototypes en développement durant les phases de conception, de réalisation et de tests. Elle précise qu’il travaille sous l’autorité d’un ingénieur et d’un titulaire d’un diplôme universitaire de technologie justifiant de plus de vingt ans d’expérience.
Les juges ont considéré qu’aucun justificatif fourni que ce soient les bulletins de salaire, l’attestation rédigée par le salarié, ne permettent pas d’établir qu’il a été amené à réaliser des opérations nécessaires à des travaux de recherche.
5.2 Constats issus des décisions
- Lien direct entre qualification et tâches réalisées
- Les qualifications doivent correspondre aux compétences nécessaires et en adéquation avec les tâches de recherche ou d’innovation effectuées.
- Le parcours professionnel ne garantit pas une expertise technique.
- Documentation précise des fonctions
- Les fiches de poste et les descriptions des missions jouent un rôle crucial pour prouver la nature technique des activités réalisées. Les fonctions exécutives ou purement administratives sont exclues.
- Points de vigilance spécifiques
- Les fonctions commerciales et marketing sont systématiquement exclues bien qu’en matière de CII l’exigence de qualification soit inscrite dans la loi contrairement au CIR.
- Les cadres dirigeants et mandataires sociaux doivent démontrer leur implication directe dans les travaux de recherche pour valider leurs dépenses.
- Les attestations sont inutiles
- Impact sur d’autres dispositif
- La remise en question de la qualification peut faire perdre le statut JEI et les exonérations sociales qui vont avec. Une des conditions de bénéfice du statut JEI est une intensité de R&D supérieure à 15%
5.3 Enseignements et pratiques recommandées
Pour sécuriser les dépenses de personnel dans le cadre du CIR, les entreprises doivent :
Documenter rigoureusement les qualifications :
- Utilisez des fiches de poste détaillées pour expliquer les tâches techniques réalisées par chaque employé.
- Fournissez des preuves de supervision pour les techniciens, notamment par des ingénieurs.
Éviter les confusions avec les fonctions non éligibles :
- Écartez les activités commerciales, marketing ou exécutives qui ne contribuent pas directement aux travaux de R&D sauf à disposer d’éléments tangibles et solides.
Valoriser les jeunes docteurs et techniciens :
- Les profils techniques, comme les ingénieurs et techniciens sous supervision, sont privilégiés. Appuyez leur éligibilité avec des preuves matérielles concrètes.
5.4 Ce qu’il faut retenir
Les juges exigent une démonstration claire de l’adéquation entre les qualifications des personnels et les tâches réalisées dans le cadre de la R&D. Toute ambiguïté ou absence de documentation peut entraîner des rejets partiels ou totaux des dépenses de personnel.
6. Dépenses de personnel : Jeunes Docteurs
La gestion des dépenses liées aux jeunes docteurs dans le cadre du CIR est soumise à des conditions spécifiques, souvent clarifiées par la jurisprudence. Une récente décision du Conseil d’État a apporté des clarifications sur le calcul du délai de 24 mois suivant la soutenance de thèse, période durant laquelle le doublement des dépenses de rémunération est applicable. Une interprétation rigoureuse de cette règle est essentielle pour sécuriser l’éligibilité des dépenses et éviter toute remise en cause par l’administration fiscale.
6.1 Décision marquante
Contexte : CE, 31/05/2024, 476354 (Awalee Consulting)
- Conditions d’embauche et de diplôme : Le Conseil d’État a statué sur le cas de personnels recrutés avant l’obtention de leur doctorat, sans signature d’un avenant au contrat de travail après l’obtention du diplôme.
Recrutement : 14/11/2016 (effet au 28/11/2016) et 13/05/2016 (effet au 14/06/2016).
Diplôme obtenu : 09/12/2016 et 23/11/2016.
- La CAA avait initialement rejeté la demande, considérant que les contrats de travail conclus avant l’obtention du doctorat ne répondaient pas aux conditions d’un premier recrutement en tant que docteur. Toutefois, le Conseil d’État a précisé que l’éligibilité au doublement des dépenses de personnel n’était pas conditionnée à la signature d’un nouveau contrat après l’obtention du diplôme, dès lors que le salarié était en CDI au moment où il a soutenu sa thèse et obtenu son doctorat.
- Calcul du délai de 24 mois pour le doublement
Le délai de 24 mois durant lequel le doublement des dépenses de rémunération est applicable commence à courir à partir de la date d’obtention du diplôme, indépendamment de la date d’embauche initiale.
Par exemple, le chercheur recruté le 13 mai 2016, ayant obtenu son doctorat le 9 décembre 2016, bénéficiera du doublement des dépenses éligibles jusqu’au 9 décembre 2018, soit 24 mois après la date d’obtention du diplôme.
6.2 Analyse de la décision
- Absence d’obligation d’avenant
Contrairement à certaines interprétations doctrinales, le Conseil d’État a confirmé que l’absence d’avenant après l’obtention du doctorat n’exclut pas l’éligibilité au doublement. Toutefois, cette pratique diminue le délai de 24 mois..
- Application du doublement des dépenses
Le doublement s’applique pendant les 24 mois suivant la date effective d’embauche, en l’absence d’avenant au contrat de travail, même si l’obtention du diplôme est postérieure à cette date.
- Solution idéale pour les entreprises
Pour maximiser la sécurité juridique, il est recommandé de formaliser un avenant lors de l’obtention du doctorat, ou de procéder par voie de.
6.3 Enseignements et pratiques recommandées
La loi de finances pour 2025 a supprimé le doublement des dépenses de rémunération des jeunes docteurs dans le cadre du CIR. Cette évolution impacte le calcul et la prise en compte de la période de 24 mois suivant l’obtention du doctorat, qui ne restera applicable que pour les exercices antérieurs à 2025.
6.4 Ce qu’il faut retenir
Le Conseil d’État a clarifié que l’absence d’avenant lors de l’obtention du doctorat n’exclut pas le doublement des dépenses éligibles, dès lors que le contrat initial respecte les critères d’un premier recrutement. Le respect des autres conditions, notamment le maintien des effectifs R&D, demeure primordial pour sécuriser les avantages fiscaux. Rappelons enfin la suppression de l’avantage fiscale liée au recrutement de jeunes docteurs.
7. Activation : Frais de recherche
L’activation des frais de recherche, prévue par l’article 236 I du Code Général des Impôts (CGI), est une option pour les entreprises souhaitant valoriser leurs investissements en R&D. Les décisions récentes clarifient les critères d’éligibilité et insistent sur l’importance du respect des principes comptables.
7.1 Les décisions clés
- CE, 26/07/2023, n°466493 (Sté CAP 2020)
La société a réalisé trois projets de recherche. Elle en a activité deux, et pour le troisième, elle a inscrit en charge les dépenses de R&D. Les juges d’appel ont considéré que l’option prévalait pour l’ensemble des travaux de recherche puisqu’elle est globale. Les juges du CE ont cassé l’arrêt car les conditions d’immobilisation du projet de recherche n’ont pas été respectées.
- CAA Toulouse, 29/07/2024, n°22TL21947 (Sté NÉOMÉRYS)
La société a immobilisé des projets de R&D. Elle a également fait l’objet d’une vérification de comptabilité qui n’a pas remis en question l’activation réalisée par l’entreprise. L’Administration a pourtant rejeté la part du CIR relative à ses dotations aux amortissements.
Les juges valident la position de l’Administration considérant que les travaux de R&D ne se rapporteraient pas à des projets nettement individualisés ayant de « sérieuses chances de réussite technique » du fait d’absence de précision sur la « faisabilité technique ». Ils jugent également que les projets ne présentent pas de « sérieuses chances de rentabilité commerciale » à l’appui des éléments fournis.
7.2 Constats principaux
- Option globale et permanente
Une fois l'option d'activation exercée, elle s'applique à l'ensemble des projets de recherche de l'entreprise amortissables.
- La cohérence des méthodes
Cette décision rappelle l’importance de la cohérence et du respect des critères comptables et de la permanence des méthodes.
- La comptabilisation répond à des critères stricts qui laissent la place à l’interprétation
Les critères de faisabilité technique et de valorisation économique doivent être rigoureusement respectés, notamment pour démontrer la valeur future des immobilisations.
- Réexamen possible par l'administration
La réalisation de contrôles fiscaux antérieurs sans remise en cause expresse et écrite, l'administration fiscale peut réexaminer les critères d'immobilisation. Le contribuable doit pouvoir justifier de la prise de position sur une situation de fait pour ensuite l’opposer à l’Administration.
7.3 Enseignements & Pratiques
- Respect des critères comptables
Les entreprises doivent démontrer que les projets activés répondent aux exigences de faisabilité technique, de finalité commerciale et de valorisation économique. La valorisation des frais activés doit être justifiée par des éléments tangibles, comme des études de marché ou des prototypes fonctionnels.
- Vigilance sur la double valorisation
Évitez toute incohérence entre la valorisation des immobilisations et celle des dépenses au CIR. L’administration peut y voir le double bénéfice d’un avantage fiscal.
7.4 Ce qu’il faut retenir
L'activation des frais de recherche, bien que facultative, impose une méthodologie stricte et cohérente. Les entreprises doivent garantir le respect des critères de valorisation et de permanence des méthodes, tout en documentant soigneusement leurs choix comptables. En cas de contrôle fiscal, ces éléments seront déterminants pour justifier la validité des montants activés.
8. JEI : Impacts sur le dispositif
Le statut de Jeune Entreprise Innovante (JEI) offre des avantages fiscaux significatifs pour soutenir les entreprises investissant dans la R&D. Toutefois, l’application et la pérennité de ce statut sont soumises à des critères stricts, et des remises en cause par l’administration peuvent avoir un impact conséquent. Voici une analyse des décisions récentes et des pratiques à suivre.
8.1 Les décisions clés
- CAA Dijon, 29 août 2024, n°22/0040
La société avait obtenu un rescrit pour l’exercice 2012. Lors d’un contrôle, l’inspecteur du recouvrement a demandé à l’administration fiscale si le rescrit obtenu précédemment lui était opposable.
La réponse n’a pas porté sur l’annualité du rescrit mais sur le non-respect des critères d’éligibilité au statut.
Les juges ont donc remis en cause les exonérations appliquées par l’usager.
- CAA de Toulouse, 14/12/2023, 21TL03189 (Elyctis)
Les juges ont confirmé la remise en cause de dépenses de personnel. Cette décision a eu mécaniquement abaisser les dépenses de R&D en deçà du seuil minimal de 15%. Elle n’a donc pas eu pour simple conséquence le refus de la valorisation de personnel de recherche, mais également la perte des exonérations fiscales appliquées.
8.2 Constats principaux
- Validité limitée du rescrit fiscal
Etonnamment, l’inspecteur du recouvrement n’a pas balayé l’opposabilité d’un rescrit obtenu quelques années auparavant. Il est essentiel de s’assurer chaque année du respect des critères à la clôture de chaque exercice.
- Enjeu des exonérations sociales
Les services de l’URSSAF ont remis en cause les exonérations sociales. La perte du statut JEI entraîne la remise en question des exonérations appliquées pour l’année concernée, générant ainsi des impacts financiers significatifs pour l’entreprise.
- Critères d’éligibilité au statut JEI
La condition de 15 % des dépenses en R&D, essentielle pour maintenir le statut, a été un motif central de rejet lorsque la contribution d’un collaborateur clé n’a pu être démontrée.
8.3 Enseignements & Pratiques
- Anticipation des risques de perte de statut
Préparez une rectification du CIR pour compenser les impacts liés à la perte d’exonérations sociales. Cela peut inclure la réintégration des aides perçues en calculant un CIR réajusté.
- Suivi précis des affectations
Vérifiez régulièrement que les collaborateurs exonérés consacrent au moins 50 % de leur temps, chaque mois, à des activités de R&D, notamment dans le cadre d’un dispositif CIFRE, afin de respecter les attentes de l’URSSAF..
- Limites du rescrit fiscal
Bien que sécurisant, le rescrit fiscal n’est valable que pour l’année en cours. Les entreprises doivent être prêtes à justifier leur conformité année après année.
8.4 Ce qu’il faut retenir
Les décisions récentes rappellent la fragilité du statut JEI face à des contrôles administratifs stricts. Une gestion rigoureuse des critères d’éligibilité, associée à une anticipation proactive des remises en cause, est essentielle pour limiter les impacts financiers. Le rescrit fiscal peut être un outil précieux, mais il ne dispense pas d’un suivi continu pour maintenir le bénéfice des exonérations.
9. Procédure : Florilège de décisions
Dans le domaine de la fiscalité et du Crédit d’Impôt Recherche (CIR), les procédures juridiques et administratives jouent un rôle central. Les décisions récentes mettent en lumière des aspects cruciaux, tels que l’opposabilité de la doctrine, la charge de la preuve, et le respect des délais de réclamation. Voici une synthèse des points clés.
9.1 Les décisions
1. Opposabilité de la doctrine
- CAA de Paris, 12/07/2024, n°22PA03074 (OTICO)
La doctrine fiscale est opposable uniquement dans le cadre d’une procédure de contrôle fiscal. En d’autres termes, il n’est pas possible de se prévaloir de la doctrine administrative dans le cadre d’une demande de remboursement ou de rescrit.
Pour rappel, la doctrine administrative est avant tout une garantie offerte au contribuable de ne pas être redressé sur un motif précisé dans ce document.
2. Charge de la preuve
- TA de Nice, 02/05/2024, n°2102417 (SAS Ladaptime)
Les juges rappellent qu’en matière de CIR, la charge de la preuve est partagée entre l’administration et l’entreprise. Chacune des parties doit apporter « les éléments qu’elle est seule en mesure d’apporter et qui ne sauraient être réclamés qu’à elle-même »
3. Délai de réclamation
- CAA de Paris, 16/07/2024, n°23PA02396 (Casanova)
La proposition de rectification ouvre un délai spécial de réclamation qui permet de déposer une réclamation sur les années concernées dans la proposition de rectification. Il est donc possible de déposer une nouvelle demande de remboursement ou une nouvelle déclaration spécifique de CIR sur ces mêmes années. Il est donc possible dans ce cas, marginal, de revenir sur les 6 dernières années.
4. Changement de défense en cours de contrôle
- CE, 23/10/2024, n°469431 (Aguerre Chimie)
La société a défendu ses projets durant tout le contrôle au motif qu’ils relevaient d’opérations de R&D. Toutefois, lors des recours hiérarchiques, la société a modifié sa position et considéré que certains projets relevaient finalement de l’innovation. Les supérieurs hiérarchiques ont refusé d’évoquer les sujets mentionnés pour la première fois, à savoir les sujets devenus des opérations d’innovation.
5. Notification via plateforme ESCALE
- CAA de Paris, 28/06/2024, n°22PA05281
Cette décision valide les notifications de rectification effectuées via la plateforme électronique ESCALE. Il est important de s’assurer des collaborateurs qui ont accès à cet outil afin de ne pas omettre de prendre connaissance d’un document de procédure soulignant la nécessité d’un suivi rigoureux des échanges dématérialisés.
6. Intérêts moratoires
- CAA de Versailles, 10/10/2024, n°2203048 (Sienna AM France)
L’absence de réponse à une demande de remboursement de l’administration fiscale au-delà de six mois ouvre droit à des intérêts moratoires.
9.2 Constats
- La doctrine fiscale ne peut être opposée qu’en cas de contrôle fiscal.
- L’exigence de justification est toujours plus grande, puisque les éléments justificatifs sur les projets, les suivi temps, ne peuvent être apportés que par l’entreprise.
- L’introduction d’une nouvelle demande de remboursement ou d’un nouveau dépôt de CIR après une rectification est une opportunité à maîtriser pour s modifier les déclarations passées.
- La plateforme ESCALE devient un canal officiel pour les notifications, obligeant les entreprises à en assurer le suivi régulier.
9.3 Enseignements & Pratiques
- Traçabilité et documentation
Une justification claire et complète des démarches fiscales est votre meilleur atout en cas de contrôle ou de litige.
- Respect des délais
Il est primordial de maîtriser les délais de réclamation et de recours pour éviter la forclusion de droits.
- Intérêts moratoires automatiques
L’obtention des intérêts moratoires en cas de retard administratif est une procédure de dégrèvement d’office. Les entreprises doivent veiller à en faire la demande si nécessaire.
- Vigilance sur les plateformes électroniques
Avec l’utilisation croissante d’outils comme ESCALE, les entreprises doivent s’assurer d’un suivi régulier de leurs échanges avec l’administration.
9.4 Ce qu’il faut retenir
Les décisions récentes mettent en avant la nécessité pour les entreprises d’être rigoureusement organisées et réactives dans leur gestion des procédures fiscales liées au CIR. La maîtrise des aspects procéduraux et des délais, associée à une argumentation solide, permet de sécuriser les droits des entreprises et d’optimiser les interactions avec l’administration fiscale.
10. Enseignement de cette veille fiscale sur le CIR et le CII
La synthèse des décisions présentées met en lumière l’importance d’une approche rigoureuse et méthodologique pour sécuriser l’accès aux dispositifs fiscaux tels que le CIR et le CII.
L’éligibilité repose sur la démonstration d’une nouveauté réelle et d’une incertitude scientifique, soutenue par un état de l’art critiqué et une méthodologie structurée. Les dépenses de personnel, qu’il s’agisse de jeunes docteurs ou de personnels en portage, doivent être justifiées avec des outils précis tels que des suivi temps rigoureux et des fiches de poste adaptées aux activités de R&D.
En parallèle, les dépenses externes et l’activation des frais de recherche requièrent une documentation irréprochable et une application cohérente des règles comptables, notamment en matière de sous-traitance et de valorisation des actifs.
Les enseignements issus des jurisprudences rappellent également l’importance de la traçabilité et de la maîtrise des délais procéduraux pour répondre efficacement aux contrôles fiscaux, tout en minimisant les risques liés aux redressements.
Dans ce cadre, l’appui sur des experts, la clarté des contrats et la formalisation des démarches demeurent les clés pour maximiser les bénéfices de ces dispositifs tout en en garantissant la conformité.
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